Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

énormes et à un double menton prodigieux, avant que son nez eût pris un peu trop d’embonpoint en largeur par suite de l’emploi surabondant du tabac d’Espagne, avant que son petit ventre fût devenu un peu trop proéminent par la pâture du maccaroni, le costume d’abbate qu’il portait alors lui allait à ravir. On pouvait, à bon droit, l’appeler un charmant bout d’homme : aussi les dames romaines l’appelaient-elles en effet caro pupazetto, leur cher petit poupon. Cela était passé de mode à cette époque il est vrai, et un peintre allemand disait, non sans raison, en voyant le docteur Splendiano Accoramboni traverser la place d’Espagne, qu’il semblait qu’un gaillard de six pieds et fort en proportion eût en courant laissé tomber sa tête juste sur le corps d’un polichinelle de marionnettes, contraint depuis à la porter comme la sienne propre.

Cette piètre et drôlatique figure s’était affublée d’une quantité déraisonnable de damas de Venise à grands ramages ajustée en robe de chambre ; elle portait bouclé sous la poitrine un large ceinturon de cuir auquel pendait une rapière longue de trois aunes, et, sur sa perruque blanche comme la neige, elle avait posé un bonnet haut et pointu qui ressemblait passablement à l’obélisque de la place de Saint-Pierre ; et comme la susdite perruque, pareille à un tissu embrouillé et ébouriffé, lui descendait jusqu’au bas du dos, elle pouvait, en quelque sorte, passer pour le cocon servant de résidence à ce beau ver à soie.

Le digne Splendiano Accoramboni regarda d’abord à travers ses grandes lunettes resplendissantes