Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/54

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que je puis me dire, à juste titre, l’élève de Guido Reni.

« Or ça, s’écria Salvator d’un ton un peu aigu qui lui était familier, brave Antonio, vous avez eu donc de bien grands maîtres, et infailliblement ils ont en vous aussi un rare élève, je le parierais sans préjudice pour votre chirurgie ; mais seulement je ne conçois pas que vous, un partisan fidèle de l’élégant, du suave Guido, sur qui peut-être, — c’est le fait de l’enthousiasme des écoliers, — vous renchérissez encore dans vos œuvres, vous pouviez, dis-je, trouver quelque charme dans mes tableaux, et me tenir pour un peintre d’élite. »

À ces mots de Salvator, presque envenimès d’une raillerie dédaigneuse, le visage du jeune homme s’enflamma de rougeur. — « Laissez-moi maintenant, dit-il, abjurer tout reste d’une timidité qui me ferme souvent la bouche, laissez-moi vous parler franchement et sans arrière pensée : oui, certes, plus qu’aucun autre maître, je vous honore, vous Salvator, du plus profond de mon âme. C’est la grandeur surnaturelle des idées que j’admire, avant tout, dans vos ouvrages. Vous décelez les secrets les plus profonds de la nature, vous lisez, vous interprétez les hiéroglyphes merveilleux de ses rochers, de ses forêts, de ses cataractes ; vous entendez sa voix, vous comprenez sa langue, et vous possédez la faculté de traduire ce qu’elle vous a dit, car j’appliquerais volontiers le nom de version à votre peinture hardie et véhémente. — L’homme seul ni ses actes matériels ne vous suffisent pas : vous ne l’envisagez que dans l’ensemble