Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/69

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vator, que je connais déjà le patron qui très probablement se trouve votre malicieux rival ; mais poursuivez à présent.

« Signor Pasquale Capuzzi, reprit Antonio, est un richard, et, en même temps, comme je vous l’ai dit, un avare crasseux et un fat achevé. Le mieux en lui, c’est qu’il aime les arts, surtout la musique et la peinture ; mais il se mêle à son goût tant de bizarrerie que, même à cet égard, on ne peut en avoir raison. Il se tient pour le plus habile compositeur de la terre et pour un chanteur tel que la chapelle papale ne possède pas son pareil. C’est aussi pour cela qu’il traite du haut en bas notre vieux Frescobaldi, et se persuade, quand les Romains s’extasient sur le magique prestige de la voix de Ceccarelli, que Ceccarelli s’entend à chanter comme la botte d’un postillon, et que lui seul, Capuzzi, connait l’art de charmer l’oreille par de mélodieux accents. Mais comme le premier chanteur du pape porte le nom seigneurial de Odoardo Ceccarelli di Merania, notre Capuzzi est très flatté de s’entendre appeler Pasquale Capuzzi di Senigaglia, car c’est à Senigaglia, et, à ce que l’on raconte, sur un bateau pêcheur que sa mère le mit au monde, saisie d’une peur subite à la vue d’un chien de mer qui parut à la surface de l’eau ; c’est pour cela, sans doute, qu’il y a dans son naturel tant d’analogie avec le chien de mer. Dans sa jeunesse il fit jouer un opéra qui fut impitoyablement sifflé, ce qui ne l’a nullement guéri de la rage d’écrire d’abominable musique ; bien mieux, ne jura-t-il pas hardiment, en entendant l’opéra de Francesco