Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/68

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plairai. Car le sang recommence à couler rapidement dans mes veines, et cette longue diète m’a stimulé à courir quelque folle aventure. —Mais voyons, Antonio, votre récit ; — et, comme je vous l’ai déjà dit, parlez tranquillement, sans hélas ! sans holà, sans malédiction ! »

Antonio prit place sur la chaise que Salvator lui avait approchée près de son chevalet de travail et commença de la manière suivante.

« Dans la rue Ripetta, dans la maison élevée dont le balcon, très en saillie, s’aperçoit dès qu’on a passé la porte del popolo, demeure le personnage le plus bizarre qui existe peut-être dans tout Rome ; un vieux célibataire affligé à lui tout seul de toutes les infirmités de sa condition : vaniteux, avare, singeant le jeune homme, fat et amoureux ; — il est grand, sec comme une verge, il a un costume espagnol bigarré, avec une perruque blonde, chapeau pointu, gants à revers, estoc au côté.

« Arrêtez, arrêtez ! cria Salvator interrompant le jeune homme ; deux minutes de grâce, Antonio ! » — et, en parlant, il retourna la toile à laquelle il travaillait, prit un bout de fusin et dessina sur l’envers en quatre traits le vieil original qui s’était comporté si ridiculement devant le tableau d’Antonio.

« Par tous les saints ! s’écria celui-ci en bondissant de sa chaise et en riant autant que son désespoir lui en laissait le courage, c’est lui, c’est le signor Pasquale Capuzzi dont je viens de parler à l’instant. Le voici en chair et en os !

« Vous voyez donc bien, disait tranquillement Sal-