Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/71

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de quelques misérables quattrinis. Il croyait cependant me récompenser magnifiquement, parce qu’il ne manquait pas, chaque fois que je lui prêtais mon ministère, de me psalmodier un air de sa composition qui m’écorchait les oreilles, quoique je me divertisse fort à le voir gesticuler comme un possédé. — Un jour je monte tranquillement chez ma pratique, je frappe à la porte, j’entre, une jeune fille s’avance. — Un ange de lumière ! — vous savez ma Madeleine : eh bien, c’était elle. Je m’arrête interdit, troublé, cloué au parquet… Pardon, Salvator ; vous m’avez interdit les hélas, les holà : eh bien, soit. — Je vous dirai donc qu’à l’aspect de cette ravissante personne je me sentis embrasé de l’amour le plus vif, le plus passionné. Le vieux fat me dit, en souriant, que c’était la fille de son frère Pietro, mort à Senigaglia, qu’elle s’appelait Marianna, et que, la pauvre enfant n’ayant ni mère, ni frère, ni sœur, il l’avait recueillie chez lui en qualité d’oncle et de tuteur. Vous pensez bien que, dès ce jour, la maison de Capuzzi devint pour moi un paradis. Cependant j’eus beau faire et m’y prendre de cent façons, jamais je ne pus réussir à me trouver, ne fût-ce qu’un instant, seul avec Marianna. Mais ses regards, mais quelques soupirs dérobés à notre argus, et même plus d’un serrement de main ne me permirent pas de mettre mon bonheur en doute.

« Le vieux renard me devina, cela ne lui était que trop facile ; il me fit entendre combien ma conduite lui déplaisait, et me demanda expressément où j’en voulais venir. Je lui avouai franchement que j’ai-