Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/72

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mais Marianna de toute mon âme, et que je ne concevais pas de plus grand bonheur sur la terre que de m’unir à elle. La-dessus, Capuzzi me toisa du haut en bas, éclata d’un rire sardonique, et me déclara qu’il n’aurait jamais supposé que des idées aussi hautaines pussent entrer dans la tête d’un chétif râcleur de barbes. La colère me suffoquait, je lui dis qu’il savait très bien que j’étais, non pas un chétif râcleur de barbes, mais un habile chirurgien, et de plus, sur le fait de l’art éminent de la peinture, que j’étais un disciple fidèle du grand Annibal Carrache et de l’incomparable Guido Reni. — Le vil Capuzzi me répondit par un éclat de rire encore plus outrageant, et, de son abominable fausset : « Oui dà ! mon doux signor râcleur de barbes, cria-t-il, mon excellent signor chirurgien ! mon sublime Annibal ! mon gracieux Guido Reni…, décampez à tous les diables et ne reparaissez jamais céans, si vous tenez à conserver vos deux jambes. — À ces mots, le vieux frénétique, casseur de jambes, m’assaillit et ne visait à rien moins qu’à me faire dégringoler les escaliers la tête la première. — C’en était trop, je saisis dans ma fureur le vieux fou et le renversai les quatre fers en l’air, puis je franchis le seuil de la porte, qui fut, de ce jour, comme vous pensez bien, fermée à jamais pour moi.

« C’est à ce point qu’en étaient les choses lorsque vous êtes venu à Rome, et que le ciel inspira au bon père Bonifacio de me conduire auprès de vous. — Mais depuis que, grâce à votre habileté, j’ai obtenu d’être admis dans l’Académie de San-Luca, ce que j’avais en vain ambitionné jusqu’ici ; depuis que