la ville de Rome m’a comblé d’éloges et d’honneurs, je suis allé tout droit chez le vieux tuteur, et j’ai paru soudainement dans sa chambre comme un spectre menaçant évoqué devant ses yeux. Telle fut du moins l’impression que je produisis sur lui, car il recula à ma vue, pâle comme la mort, et, tremblant de tous ses membres, alla se réfugier derrière une grande table.
« D’un ton ferme et sévère, je lui représentai que ce n’était plus le râcleur de barbes ni le chirurgien qui se présentait devant lui, mais bien un peintre en réputation et un académicien de San-Luca auquel, sans doute, il ne refuserait pas la main de sa nièce Marianna. C’est alors qu’il aurait fallu voir la rage dont fut saisi le vieux insensé : il hurlait, il se démenait comme un vrai possédé ; il cria que j’en voulais à ses jours, que j’étais un assassin, un impie ! que je lui avais volé sa Marianna en la copiant dans mon tableau ; puisqu’à présent, pour son désespoir et son supplice, elle servait de point de mire aux regards profanes et à la convoitise de tous : — sa Marianna ! — sa vie, ses délices, son tout ! — Mais que je me tinsse pour averti : qu’il mettrait le feu à la maison pour me brûler, s’il le pouvait, moi et mon tableau ! Puis il se mit à vociférer si violemment en criant : — au feu ! à l’assassin ! au voleur ! au secours ! — que je me hâtai tout consterné de sortir de la maison. — Le vieux fou est amoureux de sa nièce par-dessus la tête ; il la garde à vue, et, s’il parvient à obtenir une dispense, il la forcera de contracter l’union la plus monstrueuse. Tout espoir est perdu.