Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de vous parler ainsi sans réserve ; mais, chi ha nel petto fiele non puo sputar miele, ce qui est dans le cœur sort par la bouche. Eh bien ! là, si vous ne mourez pas de votre fracture, comme il faut l’espérer, c’est une leçon qui vous profitera, n’est-ce pas, signor Pasquale ? vous laisserez à votre nièce la liberté d’agir à sa guise, et d’épouser certain jeune et gentil garçon qui ne m’est pas inconnu. »

Tout cela fut lâché d’une seule bordée pendant qu’Antonio et Salvator déshabillaient le vieillard avec mainte précaution, et le disposaient sur le lit. Les paroles de dame Catterina s’enfonçaient dans son cœur comme autant de coups de poignard ; mais, dès qu’il songeait à prendre la parole, Antonio lui faisait comprendre qu’il y avait pour lui du danger à parler, et il se voyait ainsi contraint de boire le calice. Salvator éloigna enfin dame Catterina, en l’envoyant chercher de l’eau glacée comme l’avait prescrit Antonio.

Nos deux peintres se convainquirent que l’homme, apposté par eux dans la maison de Pitichinaccio, avait complètement bien exécuté sa mission ; hors quelques tâches bleuâtres, Capuzzi n’avait reçu aucune contusion fâcheuse de cette chute si terrible en apparence.

Antonio appliqua des éclisses et serra le pied droit du vieillard de manière à ce qu’il ne pût le mouvoir ; il l’enveloppa, en outre, de serviettes trempées dans de l’eau à la glace, pour prévenir, disait-il, l’inflammation, si bien que Capuzzi frissonnait de tout son corps comme agité par la fièvre.