Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/295

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Stanislas qu’elle avait pressé sur son cœur, dans les transports de joie du retour. Il lui remit la lettre, et commença à parler de Stanislas, à dire avec quelle fidélité chevaleresque il pensait à sa dame dans les combats, avec quelle ardeur il aimait la liberté et la patrie. Le feu et la vivacité du récit de Xavier entraînèrent Herménégilde ; elle surmonta bientôt ses craintes, dirigea sur le jeune homme les regards enchanteurs de ses yeux célestes, de sorte que celui-ci, comme Calaf, ivre d’amour lorsque Turandot le regardait2, put à peine continuer sa narration. Sans le savoir lui-même, et préoccupé de la lutte qu’il soutenait contre une passion dont les flammes menaçaient de s’étendre, il se perdit dans une amphigourique description de bataille. Il parla de charges de cavalerie, de masses rompues, de batteries enlevées. Herménégilde l’interrompit avec impatience :

— Oh ! s’écria-t-elle, maudites soient ces scènes sanglantes dont l’enfer est l’auteur ! Dites-moi seulement qu’il m’aime, que Stanislas m’aime !

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NOTES DU TRADUCTEUR

1. C’est le commencement d’une chanson polonaise. Les deux vers que cite Hoffmann signifient littéralement :

Ton voyage ne nous a pas été agréable,
Ton amitié nous était précieuse au pays.

2. Personnages d’une comédie du comte Carlo Gozzi.



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Xavier tout ému saisit la main d’Herménégilde et l’appuya contre son cœur.

— Écoute-le lui-même, ton Stanislas ! s’écria-t-il ; et de ses lèvres s’échappèrent des protestations d’un amour brûlant, telles que peut seule en inspirer la passion la plus dévorante.

Il s’était jeté aux pieds d’Herménégilde ; il l’avait enlacée de ses deux bras, et cherchait à l’attirer vers lui, quand il se sentit violemment repoussé. Herménégilde fixa sur lui un regard étrange, et dit d’une voix sourde :

— Vaine poupée ! quand même je t’animerais en t’échauffant sur mon sein, tu n’es pas mon Stanislas, tu ne le seras jamais !

À ces mots, elle quitta la chambre à pas lents et sans bruit.

Xavier vit trop tard son étourderie. Il ne sentait que trop vivement qu’il était éperdument amoureux d’Herménégilde, de la fiancée de son parent et ami, et que toutes les démarches qu’il entreprendrait en faveur de sa folle passion l’exposaient à trahir l’amitié. Partir de suite sans revoir Herménégilde, telle fut l’héroique résolution qu’il adopta, et en effet il ordonna aussitôt de faire ses malles et d’atteler sa voiture.