Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que tout autre à ses yeux, ne tarderait pas à remplacer Stanislas. Il ne pensa plus au fidèle fiancé.

Xavier eut des idées analogues ; il se persuada qu’au bout de quelques mois Herménégilde, quelque préoccupée qu’elle fût de la pensée de Stanislas, consentirait pourtant à écouter les vœux de celui qui le remplaçait.

Un matin, on fut averti qu’Herménégilde s’était renfermée dans son appartement avec sa femme de chambre et qu’elle ne voulait voir personne.

Le comte Népomucène crut simplement que c’était un nouveau paroxysme qui ne durerait pas. Il pria le comte Xavier d’employer à la guérison de sa fille l’empire qu’il avait obtenu sur elle ; mais quel fut son étonnement lorsque Xavier non seulement se refusa à approcher d’Herménégilde sous aucun prétexte, mais encore laissa voir un changement total dans sa manière d’être ! Au lieu de montrer comme auparavant une hardiesse portée presque à l’excès, il était troublé comme s’il avait aperçu des fantômes : le son de sa voix était tremblant ; il s’exprimait avec peine, et ses discours étaient vagues et incohérents.

Il dit qu’il était obligé de retourner à Varsovie ; qu’il ne reverrait jamais Herménégilde ; que dernièrement l’égarement de la malade l’avait rempli d’épouvante ; qu’il renonçait à toutes les félicités de l’amour ; que la fidélité d’Herménégilde, poussée jusqu’au délire, lui avait fait sentir à sa grande confusion l’étendue de la perfidie dont il allait se rendre coupable à l’égard de son ami, et qu’une prompte fuite était son unique ressource.

Le comte Népomucène ne comprit rien à ce discours, et fut tenté de croire que l’extravagance d’Herménégilde s’était communiquée au jeune homme. Il chercha à le calmer, mais inutilement. Plus le comte lui prouvait la nécessité de voir sa fille pour la guérir de toutes ses bizarreries, plus Xavier s’opiniâtrait à refuser. Il coupa court à l’entretien en se jetant dans sa voiture et en s’éloignant, comme poussé par une puissance invisible et incompréhensible.

Le comte Népomucène, irrité et chagrin de la conduite d’Herménégilde, ne s’inquiéta plus d’elle, et il arriva qu’elle passa plusieurs jours enfermée dans son appartement sans voir d’autre personne que sa femme de chambre.

Un jour, le comte Népomucène était assis dans sa chambre et plongé dans