Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/297

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Le lendemain, lorsque Xavier revit Herménégilde, il parvint en effet, en s’observant minutieusement, à calmer la bouillante ardeur de son sang et à lutter avec succès contre sa passion. Demeurant dans les bornes des plus strictes convenances, observant même un cérémonial glacé, il ne donna à la conversation que l’impulsion de cette galanterie dont la douceur mielleuse cache souvent un poison funeste aux femmes.

Xavier, jeune homme de vingt ans, inhabile aux ruses d’amour, guidé par un tact bien sûr, déploya l’art d’un maître expérimenté. Il ne parla que de Stanislas, de son inexprimable amour pour la douce fiancée ; mais, dans le feu qu’il alluma, il sut adroitement faire luire sa propre figure, de sorte qu’Herménégilde, en proie à un pénible égarement, ne savait pas elle-même comment séparer ces deux images, celle de Stanislas absent et celle de Xavier présent à ses yeux.

La société de Xavier fut bientôt indispensable à Herménégilde complètement fascinée, et il s’ensuivit qu’on les vit presque constamment ensemble et souvent causant familièrement comme deux amants. L’habitude surmonta par degrés la timidité d’Herménégilde, et en même temps Xavier franchit cette barrière que mettaient entre eux les froides convenances et dans les limites de laquelle il s’était d’abord tenu renfermé. Herménégilde et Xavier se promenaient bras dessus bras dessous dans le parc, et la jeune fille lui abandonnait négligemment sa main quand, assis auprès d’elle dans sa chambre, il l’entretenait de l’heureux Stanislas.

Absorbé par les affaires d’État, par ce qui avait rapport à sa patrie, le comte Népomucène n’était pas capable de sonder la profondeur des cœurs. Il se contentait de voir ce qui se passait à la superficie ; sa pensée morte pour tout le reste ne pouvait, semblable à un miroir, réfléchir que passagèrement les images fugitives de la vie, et elle s’evanouissaient devant lui sans laisser de traces. Il ne se douta nullement de l’état du cœur d’Herménégilde, et trouva bon qu’elle eût enfin changé contre un jeune homme vivant la poupée que son délire lui avait fait prendre pour son bien-aimé. Il crut montrer beaucoup de finesse en prévoyant que Xavier, gendre aussi convenable