Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/301

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Une mauvaise nouvelle vint l’affliger ; le comte Stanislas avait été fait prisonnier.

Vers cette époque, le prince Zapolski arriva avec sa femme. La mère d’Herménégilde étant morte jeune, la princesse l’avait remplacée auprès de l’orpheline, et celle-ci lui témoignait un dévouenient filial. Elle lui ouvrit son cœur et se plaignit amèrement que, bien qu’elle eût les preuves les plus convaincantes de la réalité de son union avec Stanislas, on la traitât de visionnaire et d’insensée. La princesse, instruite du dérangement d’idées d’Herménégilde, se garda bien de la contredire ; elle se contenta de lui assurer que le temps éclaircirait tout, et qu’en attendant il était convenable de se soumettre humblement à la volonté du ciel.

La princesse fut plus attentive quand Herménégilde lui parla de son état physique, et qu’elle décrivit les singuliers symptômes de l’indisposition qui paraissait la troubler. On vit la princesse veiller sur Herménégilde avec la plus vive sollicitude et une anxiété surprenante, à mesure que la jeune fille parut se remettre. Une vive rougeur remplaçait la pâleur mortelle des joues et des lèvres d’Herménégilde ; ses yeux perdaient leur feu sombre et sinistre. Son regard devenait doux et serein, ses formes amaigries s’arrondissaient à vue d’œil ; bref, elle reparut dans la fleur de la jeunesse et de la beauté.

Toutefois la princesse semblait la regarder comme plus malade que jamais, car, l’inquiétude peinte sur tous les traits, elle lui demandait : — Comment es-tu, qu’as-tu, mon enfant, qu’éprouves-tu ? sitôt qu’Herménégilde soupirait ou que son front se couvrait de la plus légère pâleur.

Le comte Népomucène, le prince et sa femme se consultèrent sur ce qu’il y avait à faire à l’égard d’Herménégilde et de son idée fixe qu’elle était la veuve de Stanislas.

— Je crois malheureusement, dit le prince, que son délire est incurable ; car elle n’est pas malade physiquement, et les forces de son corps soutiennent le désordre de son âme.

À ces mots, la princesse lança vers le ciel un regard triste et pensif.

— Oui, continua le prince, elle ne souffre pas, quoiqu’on la tourmente mal à propos comme une malade, à son grand détriment.