Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/303

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preuves de son innocence, qui pourtant, je l’avoue, me semble fort équivoque.


IX

Le soir même, la princesse se rendit auprès d’Herménégilde, dont la grossesse était de plus en plus apparente. Elle prit la pauvre jeune fille par les deux bras, fixa ses yeux sur les siens, et lui dit d’un ton pénétrant :

— Ma chère, tu es enceinte !

Herménégilde leva les yeux au ciel comme dans une extase céleste, et s’écria avec l’accent de la joie la plus vive :

— Ô ma mère, ma mère, je le sais ! Je le sens depuis longtemps, et j’éprouve un bien-être inexprimable, quoique mon cher époux soit tombé sous les coups meurtriers des ennemis. Oui, le moment de ma plus grande félicité terrestre dure encore en moi, et mon bien-aimé revit dans le tendre gage d’une douce alliance !

Il sembla à la princesse que tout tournait autour d’elle, et qu’elle allait perdre la tête. La naïveté des expressions d’Herménégilde, son extase, son ton de vérité ne permettaient pas de l’accuser de perfidie, et son délire seul pouvait faire comprendre comment elle s’aveuglait elle-même sur l’étendue de sa faute.

Frappée de cette dernière idée, la princesse repoussa Herménégilde, et s’écria avec colère :

— Insensée ! un songe t’a-t-il mise dans cet état, qui nous voue tous à l’ignominie ? Crois-tu donc me donner le change par tes absurdes récits ? Réfléchis ; rassemble tous les souvenirs des jours passés ; l’aveu dicté par le repentir peut seul te réconcilier avec nous.

Baignée de larmes, abîmée dans la douleur, Herménégilde tomba aux genoux de la princesse :

— Ma mère, dit-elle d’une voix plaintive, toi aussi tu m’appelles visionnaire, toi aussi tu refuses de croire que l’Église m’a unie à mon Stanislas, que je suis sa femme ! Mais vois-tu donc seulement cet anneau à mon doigt ? Que dis-je ? toi, tu connais mon état ; n’est-ce pas assez pour te convaincre que je n’ai pas rêvé ?

La princesse reconnut pour vrai, à son grand étonnement, que la pensée