Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/306

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Xavier répondit qu’il connaissait fort bien le désordre d’esprit d’Herménégilde, auquel vraisemblablement on voulait faire allusion, mais qu’il le considérait d’autant moins comme un obstacle, que son mariage avec la jeune fille devait mettre un terme à ce funeste état.

La princesse lui assura qu’Herménégilde avait juré de rester fidèle à Stanislas jusqu’à la mort, qu’elle repousserait toute autre alliance, et qu’au reste, elle ne se trouvait plus au château.

Xavier se mit à rire ; il dit que le consentement du père lui suffisait ; et qu’il n’y avait qu’à lui laisser le soin de rétablir le calme dans le cœur d’Herménégilde.

Irrité au dernier point de l’impétueuse importunité du jeune homme, le comte Népomucène déclara qu’il était inutile de compter sur son consentement, et enjoignit à Xavier de quitter le château au plus tôt.

Le comte Xavier le regarda fixement, ouvrit la porte du vestibule, et cria au cocher d’apporter ses bagages, de desseller les chevaux et de les conduire à l’écurie. Puis il revint dans la chambre, et se jeta dans un fauteuil près de la fenêtre.

— La force seule, dit-il d’un ton calme et sévère, pourra m’arracher du château avant d’avoir vu Herménégilde, avant de lui avoir parlé.

— Mais vous pourrez y faire un long séjour, répondit le comte Népomucène ; quant à moi, je vous cède la place, et je vous demanderai la permission de quitter ces lieux.

Aussitôt, le comte Népomucène, le prince et sa femme sortirent de l’appartement pour aviser au prompt départ d’Herménégilde. Le hasard voulut qu’à cette heure-là, contre son habitude, elle se trouvât dans le parc. Xavier l’aperçut au loin par la fenêtre, courut dans le parc, et atteignit enfin la jeune fille au moment où elle entrait dans le fatal pavillon du sud. Son état était déjà visible presque à tous les yeux.

— Ô puissance du ciel ! s’écria Xavier.

Il se précipita aux genoux d’Herménégilde, lui fit les plus brûlantes protestations d’amour, et la conjura de l’accepter pour époux.

— C’est un mauvais génie qui vous amène, répondit-elle éperdue de crainte et de surprise ; ne cherchez pas à troubler mon repos ; je serai fidèle jusqu’à la mort à mon bien-aimé ; jamais, jamais je ne serai la femme d’un autre !