Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/305

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songea à peine davantage au funeste secret lorsqu’il vit la possibilité de le cacher au monde, dont le blâme était ce qu’il redoutait le plus. Le prince jugea avec beaucoup de raison que, vu le bizarre enchaînement des circonstances et le dérangement d’esprit d’Herménégilde, tout ce qu’on pouvait faire était d’attendre du temps le dénoûment de cette étrange aventure.

La délibération était close, et ils allaient se séparer, quand la soudaine arrivée du comte Xavier vint causer de nouveaux soucis et de nouveaux embarras.

Échauffé d’une course rapide, couvert de poussière, il se précipita dans la chambre avec l’empressement que donne une passion désordonnée, et sans saluer, sans faire attention à qui que ce fût, il s’écria d’une voix perçante :

— Il est mort ! le comte Stanislas est mort ! il n’a pas été fait prisonnier... non... il a été tué par l’ennemi : en voici les preuves !

À ces mots, il tira rapidement de sa poche plusieurs lettres qu’il remit au comte Népomucène. Leur contenu bouleversa le comte. La princesse jeta un coup d’œil sur l’une des lettres ; mais à peine eut-elle lu quelques lignes, qu’elle leva les yeux au ciel, joignit les mains, et s’écria avec l’accent de la douleur :

— Herménégilde ! pauvre enfant ! quel inexplicable mystère !

Elle venait de voir que le jour de la mort de Stanislas était précisément celui de son entrevue avec Herménégilde, et que ces deux événements semblaient s’être passés simultanément.4

— Il est mort, dit Xavier vivement et avec feu, Herménégilde est libre ; aucun obstacle ne s’élève contre moi, qui l’aime plus que ma vie ; je demande sa main !

Le comte Népomucène fut incapable de répondre. La princesse prit la parole, et déclara que certaines circonstances les mettaient dans l’impossibilité d’accueillir sa demande, que dans ce moment même il ne pouvait voir Herménégilde, et qu’on le priait de s’éloigner aussi vite qu’il était venu.