Page:Hoffmann - Le Pot d’or.djvu/39

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pentine, et jamais ne pâliront les rayons d’or du lis ; car, comme la foi et l’amour, la science est immortelle.


Je dois à l’art du salamandre d’avoir joui de la vision où Anselme m’apparut au milieu de ses possessions de l’Atlantide ; et ce qu’il y eut de remarquable fut que je retrouvais très-bien écrit, et évidemment écrit de ma main, sur un papier placé sur la table violette, tout ce que j’avais vu et qui avait disparu comme dans un nuage. Mais alors je me sentis percé et déchiré d’une profonde douleur.

— Ah ! bienheureux Anselme, disais-je, tu as jeté de côté le poids de l’existence journalière, tu as pris hardiment ton essor appuyé sur l’amour de la belle Serpentine, et maintenant tu vis avec le plaisir et la joie dans tes terres de l’Atlantide. Et moi, infortuné, bientôt, dans quelques minutes, il me faudra sortir de cette belle salle, qui n’approche pas même en magnificence de tes possessions dans l’Atlantide, et j’irai me confiner dans ma chambre sous les toits, les exigences d’une vie nécessiteuse viendront s’emparer de mes sens, et mon regard sera entouré de mille peines comme d’un épais nuage, et jamais le lis ne m’apparaîtra.

Alors l’archiviste me frappa doucement sur l’épaule et me dit :

— Taisez-vous, taisez-vous, mon honoré monsieur, ne vous plaignez pas ainsi. N’étiez-vous pas il n’y a qu’un instant en Atlantide, et n’avez-vous pas là aussi au moins une jolie petite métairie comme possession poétique de votre sens intérieur ? Le bonheur d’Anselme est-il donc autre chose que la vie dans la poésie, qui apprend à connaître le saint accord de tous les êtres, le plus profond secret de la nature ?

Le petit homme était réellement un perroquet