Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/108

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de quelque façon que mon esprit ou mon ame se trouve dans son étendue, lorsque mon corps se meut en avant, mon ame ne reste point en arrière ; elle a donc alors une qualité tout-à-fait commune avec mon corps & propre à la matiere, puisqu’elle est transférée conjointement avec lui. Ainsi quand même l’ame seroit immatérielle, que pourroit-on en conclure ? Soumise entiérement aux mouvemens du corps, elle resteroit morte, inerte sans lui. Cette ame ne seroit qu’une double machine nécessairement entraînée par l’enchaînement du tout : elle ressembleroit à un oiseau qu’un enfant conduit à son gré par le fil qui le tient attaché.

C’est faute de consulter l’expérience & d’écouter la raison que les hommes ont obscurci leurs idées sur le principe caché de leurs mouvemens. Si dégagés de préjugés, nous voulons envisager notre ame, ou le mobile qui agit en nous-mêmes, nous demeurerons convaincus qu’elle fait partie de notre corps, qu’elle ne peut être distinguée de lui que par l’abstraction, qu’elle n’est que le corps lui-même considéré rélativement à quelques-unes des fonctions ou facultés dont sa nature & son organisation particulière le rendent susceptible. Nous verrons que cette ame est forcée de subir les mêmes changemens que le corps, qu’elle naît & se développe avec lui, qu’elle passe comme lui par un état d’enfance, de foiblesse, d’inexpérience ; qu’elle s’accroît & se fortifie dans la même progression que lui, que c’est alors qu’elle devient capable de remplir certaines fonctions, qu’elle jouit de la raison, qu’elle montre plus ou moins d’esprit, de jugement, d’activité. Elle est sujette comme le corps aux vicissitudes que lui font