Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/145

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viciés par les modifications durables ou passagères qu’ils éprouvent, nous mettent hors d’état de bien juger les objets. l’erreur consiste dans une association fausse des idées, par laquelle nous attribuons aux objets des qualités qu’ils n’ont pas. Nous sommes dans l’erreur, lorsque nous supposons comme existans des êtres qui n’existent point, ou lorsque nous associons l’idée de bonheur à des objets capables de nous nuire, soit immédiatement, soit par des conséquences éloignées que nous sommes incapables de pressentir.

Mais comment pressentir des effets que nous n’avons point encore éprouvés ? C’est encore à l’aide de l’expérience. Nous sçavons par son secours que des causes analogues ou semblables produisent des effets analogues & semblables ; la mémoire, en nous rappellant les effets que nous avons éprouvés, nous met à portée de juger de ceux que nous pouvons attendre soit des mêmes causes soit des causes qui ont du rapport avec celles qui ont agi sur nous. D’où l’on voit que la prudence, la prévoyance sont des facultés qui sont dues à l’expérience. J’ai senti que le feu excitoit dans mes organes une sensation douloureuse, cette expérience suffit pour me faire pressentir que le feu appliqué à quelques-uns de mes organes y excitera par la suite la même sensation. J’ai éprouvé qu’une action de ma part excitoit la haîne ou le mépris des autres, cette expérience me fait pressentir que toutes les fois que j’agirai de la sorte je serai haï ou méprisé.

La faculté que nous avons de faire des expériences, de nous les rapeller, de pressentir les effets, afin d’écarter ceux qui peuvent nous nuire