Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/147

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sont vraies, si notre conduite est utile pour nous-mêmes, si les effets qui en résulteront nous seront avantageux. Mais pour que nos sens nous fassent de fidèles rapports, ou portent des idées vraies au cerveau, il faut qu’ils soient sains, c’est-à-dire dans l’état requis pour maintenir notre être dans l’ordre propre à lui procurer sa conservation & sa félicité permanente. Il faut que notre cerveau soit sain lui-même ou dans l’état nécessaire pour remplir ses fonctions & pour exercer ses facultés ; il faut que la mémoire lui retrace fidélement ses sensations ou ses idées antérieures, afin de juger ou de pressentir les effets qu’il doit espérer ou craindre des actions auxquelles sa volonté se portera. Nos organes extérieurs ou intérieurs sont-ils viciés, soit par leur conformation naturelle soit par les causes qui les modifient, nous ne sentons qu’imparfaitement & d’une façon peu distincte, nos idées sont fausses ou suspectes, nous jugeons mal, nous sommes dans une illusion ou dans une ivresse qui nous empêche de saisir les vrais rapports des choses. En un mot la mémoire est fautive, la réflexion est nulle, l’imagination s’égare, l’esprit nous trompe & la sensibilité de nos organes assaillis à la fois par une foule d’ébranlemens, s’oppose à la prudence, à la prévoyance & à l’exercice de la raison. D’un autre côté si la conformation de nos organes ne leur permet que de se mouvoir foiblement & avec lenteur, comme il arrive dans ceux qui sont d’un tempérament flegmatique, les expériences sont tardives & souvent infructueuses. La tortue & le papillon sont également incapables d’éviter leur destruction. L’homme stupide & l’homme ivre sont dans une égale impossibilité de parvenir à leur but.