Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/169

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forcés d’employer pour nous les procurer. Ceux qui sont chargés de nous guider ; ou imposteurs ou dupes de leurs préjugés, nous défendent d’écouter la raison ; ils nous montrent la vérité comme dangereuse, & l’erreur comme nécessaire à notre bien-être dans ce monde & dans l’autre.

Enfin l’habitude nous attache fortement à nos opinions insensées, à nos inclinations dangereuses, à nos passions aveugles pour des objets inutiles ou dangereux. Voilà comment le plus grand nombre des hommes se trouve nécessairement déterminé au mal. Voilà comment les passions inhérentes à notre nature & nécessaires à notre conservation, deviennent les instrumens de notre destruction & de celle de la société qu’elles devroient conserver. Voilà comment la société devient un état de guerre, & ne fait que rapprocher des ennemis, des envieux, des rivaux toujours aux prises. S’il se trouve parmi nous des êtres vertueux, l’on ne doit les chercher que dans le petit nombre de ceux qui, nés avec un tempérament flegmatique & des passions peu fortes, ne desirent point, ou desirent foiblement les objets dont leurs associés sont continuellement enivrés.

Notre nature diversement cultivée décide de nos facultés tant corporelles qu’intellectuelles, de nos qualités tant physiques que morales. Un homme sanguin & robuste doit avoir des passions fortes ; un homme bilieux & mélancolique aura des passions bizarres & sombres ; un homme d’une imagination enjouée aura des passions gayes ; un homme en qui le flegme abonde aura des passions douces & peu emportées. C’est de l’équilibre des humeurs que semble dépendre l’état de ceux que nous appellons vertueux ; leur tempérament