Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/184

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jugeons des actions morales des hommes est ce que l’on a nommé l’instinct moral.

Ce que l’on nomme l’ instinct en physique n’est que l’effet de quelque besoin du corps, de quelque attraction ou répulsion dans les hommes ou dans les animaux. L’enfant qui vient de naître téte pour une première fois ; on lui met dans la bouche le bout de la mamelle, par l’analogie naturelle qui se trouve entre les houpes nerveuses dont sa bouche est tapissée & le lait qui découle du sein de la nourrice par le bout de cette mamelle, l’enfant presse cette partie pour en exprimer la liqueur appropriée à le nourrir dans l’ âge tendre ; de tout cela il résulte une expérience pour l’enfant, bientôt les idées du téton, du lait & du plaisir s’associent dans son cerveau ; & toutes les fois qu’il apperçoit le téton, il le saisit par instinct & en fait avec promptitude l’usage auquel il est destiné.

Ce qui vient d’être dit peut encore nous faire juger de ces sentimens prompts & subits que l’on a désigné sous le nom de la force du sang. Les sentimens d’amour que les pères & les mères ont pour leurs enfans, & que les enfans bien nés ont pour leurs parens, ne sont point des sentimens innés, ils sont des effets de l’expérience, de la réflexion, de l’habitude dans les cœurs sensibles. Ces sentimens ne subsistent point dans un grand nombre d’êtres de l’espece humaine. Nous ne voyons que trop souvent des parens tyranniques occupés à se faire des ennemis de leurs enfans qu’ils ne semblent avoir faits que pour être la victime de leurs caprices insensés.

Depuis l’instant où nous commençons, jusqu’à celui où nous cessons d’exister, nous sentons,