Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/198

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citer son indignation & son mépris ; il vous proposera à son tour de prendre ses propres opinions ; après bien des raisonnemens vous vous traiterez tous deux de gens absurdes & opiniâtres, & le moins fol sera celui qui cédera le premier. Mais si les deux adversaires s’échauffent dans la dispute (ce qui arrive toujours quand on suppose la matière importante ou quand on veut défendre la cause de son amour propre) dès-lors les passions s’aiguisent, la querelle s’anime, les disputans se haïssent & finissent par se nuire. C’est ainsi que pour des opinions futiles nous voyons le bramine mépriser & haïr le mahométan, qui l’opprime & le dédaigne ; nous voyons le chrétien persécuter & brûler le juif, dont il tient sa religion ; nous voyons les chrétiens ligués contre l’incrédule & suspendre pour le combattre les disputes sanglantes & cruelles qui subsistent toujours entre eux.

Si l’imagination des hommes étoit la même, les chimeres qu’elle enfanteroit seroient les mêmes par-tout ; il n’y auroit point de disputes entr’eux s’ils rêvoient tous de la même manière ; ils s’en épargneroient un grand nombre, si leur esprit ne s’occupoit que des êtres possibles à connoître, dont l’existence fut constatée, dont on fût à portée de découvrir les qualités véritables par des expériences sûres & réïtérées. Les systêmes de la physique ne sont sujets à dispute que lorsque les principes dont on part ne sont point assez constatés, peu-à-peu l’expérience en montrant la vérité met fin à ces querelles. Il n’y a point de disputes entre les géometres sur les principes de leur science ; il ne s’en élève que quand les suppositions sont fausses ou les objets trop compliqués. Les théologiens n’ont tant de peine à convenir entr’eux que parceque dans leurs disputes ils partent sans cesse,