Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de de l’activité, & par la raiſon qui exige de la réflexion. De là cette averſion que les hommes montrent pour tout ce qui leur paroit s’écarter des regles auxquelles ils ſont accoutumés ; de là leur respect ſtupide & ſcrupuleux pour l’antiquité & pour les inſtitutions les plus inſenſées de leurs peres ; de là les craintes qui les ſaiſiſſent quand on leur propoſe les changemens les plus avantageux ou les tentatives les plus probables. Voilà pour quoi nous voyons les nations languir dans une honteuſe léthargie, gémir ſous des abus tranſmis de ſiecle en ſiecle, & frémir de l’idée même de ce qui pourroit remédier à leurs maux. C’eſt par cette même inertie & par le défaut d’expériences que la médecine, la phyſique, l’agriculture, en un mot toutes les ſciences utiles font des progrès ſi peu ſenſibles & demeurent ſi longtems dans les entraves de l’autorité : ceux qui profeſſent ces sciences aiment mieux ſuivre les routes qui leur ſont tracées que de s’en frayer de nouvelles ; ils préferent les délires de leur imagination & leurs conjectures gratuites à des expériences laborieuses, qui ſeules ſeroient capables d’arracher à la nature ſes ſecrets.

En un mot, les hommes, ſoit par pareſſe, ſoit par crainte, ayant renoncé au témoignage de leurs ſens, n’ont plus été guidés dans toutes leurs actions & leurs entrepriſes que par l’imagination, l’entouſiasme, l’habitude, le préjugé & ſur-tout par l’autorité, qui ſçut profiter de leur ignorance pour les tromper. Des ſyſtêmes imaginaires prirent la place de l’expérience, de la réflexion, de la raison : des ames ébranlées par la terreur, & enivrées du merveilleux, ou engourdies par la pareſſe & guidées par la crédulité, que produit l’i-