Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/23

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nexpérience, ſe créèrent des opinions ridicules ou adopterent ſans examen toutes les chimeres dont on voulut les repaître.

C’est ainſi que pour avoir méconnu la nature & ſes voies, pour avoir dédaigné l’expérience, pour avoir mépriſé la raiſon ; pour avoir deſiré du merveilleux & du ſurnaturel ; enfin pour avoir tremblé, le genre humain eſt demeuré dans une longue enfance dont il a tant de peine à ſe tirer. Il n’eut que des hypotheſes puériles dont il n’oſa jamais examiner les fondemens & les preuves ; il s’étoit accoutumé à les regarder comme ſacrées, comme des vérités reconnues dont il ne lui étoit point permis de douter un inſtant : ſon ignorance le rendit crédule ; ſa curiosité lui fit avaler à longs traits le merveilleux ; le tems le confirma dans ses opinions & fit paſſer de races en races ſes conjectures pour des réalités ; la force tyrannique le maintint dans ſes notions devenues néceſſaires pour aſſervir la ſociété ; enfin la ſcience des hommes en tout genre ne fut qu’un amas de menſonges, d’obſcurités, de contradictions, entremêlé quelquefois de foibles lueurs de vérité, fournies par la nature dont l’on ne put jamais totalement s’écarter, parce que la néceſſité y ramena toujours.

Élevons-nous donc au deſſus du nuage du préjugé. Sortons de l’athmosphere épaiſſe qui nous entoure pour conſidérer les opinions des hommes & leurs ſyſtêmes divers. Défions-nous d’une imagination déréglée, prenons l’expérience pour guide ; conſultons la nature ; tâchons de puiſer en elle-même des idées vraies ſur les objets qu’elle renferme ; recourons à nos ſens que l’on nous a