Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/245

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ceux que la négligence de la société a privés des moyens de subsister, d’exercer leur industrie & leurs talens, de travailler pour elle. Elle est injuste quand elle punit ceux à qui elle n’a donné ni éducation, ni principes honnêtes, à qui elle n’a point fait contracter les habitudes nécessaires au maintien de la société. Elle est injuste quand elle les punit pour des fautes que les besoins de leur nature & que la constitution de la société leur ont rendu nécessaires. Elle est injuste & insensée lorsqu’elle les châtie pour avoir suivi des penchans que la société elle-même, que l’exemple, que l’opinion publique, que les institutions conspirent à leur donner. Enfin la loi est inique, quand elle ne proportionne point la punition au mal réel que l’on fait à la société. Le dernier dégré d’injustice & de folie est quand elle est aveuglée au point d’infliger des peines à ceux qui la servent utilement.

Ainsi les loix pénales, en montrant des objets effrayans à des hommes qu’elles doivent supposer susceptibles de crainte, leur présentent des motifs propres à influer sur leurs volontés. L’idée de la douleur, de la privation de leur liberté, de la mort, sont pour des êtres bien constitués & jouissant de leurs facultés, des obstacles puissans qui s’opposent fortement aux impulsions de leurs desirs déréglés ; ceux qui n’en sont point arrêtés, sont des insensés, des frénétiques, des êtres mal organisés, contre lesquels les autres sont en droit de se garantir & de se mettre en sûreté. La folie est, sans doute, un état involontaire & nécessaire, cependant personne ne trouve qu’il soit injuste de priver de la liberté les fous, quoique leurs actions ne puissent être imputées qu’au dé-