Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/260

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peut-être étendu son feuillage au loin, eût fourni des fruits délectables, eût procuré un ombrage frais si son germe eût été placé dans un terrein plus fertile, ou s’il eût éprouvé les soins attentifs d’un cultivateur habile.

Que l’on ne nous dise point que c’est dégrader l’homme que de réduire ses fonctions à un pur méchanisme ; que c’est honteusement l’avilir que de le comparer à un arbre, à une végétation abjecte… le philosophe exempt de préjugés n’entend point ce langage inventé par l’ignorance de ce qui constitue la vraie dignité de l’homme. Un arbre est un objet qui, dans son espèce, joint l’utile à l’agréable ; il mérite notre affection quand il produit des fruits doux & une ombre favorable. Toute machine est précieuse, dès qu’elle est vraiment utile & remplit fidélement les fonctions auxquelles on la destine. Oui, je le dis avec courage, l’homme de bien quand il a des talens & des vertus est pour les êtres de son espèce un arbre qui leur fournit & des fruits & de l’ombrage. L’homme de bien est une machine dont les ressorts sont adaptés de manière à remplir les fonctions d’une façon qui doit plaire. Non, je ne rougirai pas d’être une machine de ce genre, & mon cœur tressailleroit de joie s’il pouvoit pressentir qu’un jour les fruits de mes réflexions seront utiles & consolans pour mes semblables.

La nature elle-même n’est-elle pas une vaste machine dont notre espèce est un foible ressort ? Je ne vois rien de vil en elle ni dans ses productions ; tous les êtres qui sortent de ses mains sont bons, nobles, sublimes dès qu’ils coopérent à produire l’ordre & l’harmonie dans la sphère où ils