Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/259

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le despotisme, corrompue par le luxe, enivrée de fausses opinions de se remplir de citoyens vicieux & légers ; d’esclaves rampans & glorieux de leurs chaînes ; d’ambitieux sans idées de vraie gloire ; d’avares & de prodigues, de fanatiques & de libertins. Convaincu de la liaison nécessaire des choses, il ne sera point surpris de voir la négligence ou l’oppression porter le découragement dans les campagnes, des guerres sanglantes les dépeupler, des dépenses inutiles les appauvrir, & tous ces excès réunis faire que les nations ne renferment partout que des hommes sans bonheur, sans lumières, sans mœurs & sans vertus. Il ne verra en tout cela que l’action & la réaction nécessaire du physique sur le moral & du moral sur le physique. En un mot, tout homme qui reconnoît la fatalité, demeurera persuadé qu’une nation mal gouvernée est un sol fertile en plantes venimeuses ; elles y croissent en telle abondance qu’elles se pressent & s’étouffent les unes les autres. C’est dans un terrein cultivé par les mains d’un Lycurgue que l’on voit naître des citoyens intrépides, fiers, désintéressés, étrangers aux plaisirs : dans un champ cultivé par un Tibère l’on ne trouvera que des scélérats, des ames basses, des délateurs & des traîtres. C’est le sol, ce sont les circonstances dans lesquelles les hommes se trouvent placés qui en font des objets utiles ou nuisibles : le sage évite les uns comme ces reptiles dangereux dont la nature est de mordre & de communiquer leur venin ; il s’attache aux autres & les aime comme ces fruits délicieux dont son palais se trouve agréablement flatté : il voit les méchans sans colère, il chérit les cœurs bienfaisans ; il sait que l’arbre languissant sans culture dans un désert aride & sabloneux, qui l’a rendu difforme & tortueux, eût