Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/301

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dès l’enfance de ces idées n’en sont pas moins entraînés par leurs penchans, étourdis par la dissipation, esclaves de leurs plaisirs, enchaînés par l’habitude, emportés par le torrent du monde, séduits par des intérêts présens qui leur font oublier également les récompenses & les châtimens de la vie future. En un mot les Ministres du ciel conviennent que leurs disciples pour la plupart se conduisent en ce monde comme s’ils n’avoient rien à espérer ou à craindre dans un autre.

Enfin supposons pour un instant que le dogme de l’autre vie soit de quelqu’utilité, & qu’il retienne vraiment un petit nombre d’individus ; qu’est-ce que ces foibles avantages comparés à la foule de maux que l’on en voit découler ! Contre un homme timide que cette idée contient il en est des millions qu’elle ne peut contenir ; il en est des millions qu’elle rend insensés, farouches, fanatiques, inutiles & méchans ; il en est des millions qu’elle détourne de leurs devoirs envers la société ; il en est une infinité qu’elle afflige & qu’elle trouble, sans aucun bien réel pour leurs associés[1]

  1. Bien des gens, persuadés de futilité du dogme de l’autre vie, regardent ceux qui osent le combattre comme des ennemis de la société. Cependant il est aisé de se convaincre que les hommes les plus éclairés & les plus sages de l’antiquité ont cru, non seulement que l’ame étoit matérielle & périssoit avec le corps, mais encore ont attaqué sans détour l’opinion des châtimens de l’avenir. Ce sentiment n’étoit point propre aux Epicuriens, nous le voyons adopté par des philosophes de toutes les sectes, par des Pythagoriciens, des Stoïciens, enfin par les hommes les plus saints & les plus vertueux de la Grece & de Rome. Voici comme Ovide fait parler Pythagore.

    O Genus attonium gelidæ formidine Mortis,
    Quid Styga, quid tenebras, & nomina vana timetis
    Materiem vatum, falsique particula mundi ?

    Timée de Locres, qui étoit Pythagoricien, convient que la doc-