Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/305

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pas beſoin de voir des gouffres embraſés sous leurs pieds pour sentir de l’horreur pour le crime ; la nature ſans ces fables leur enſeignera bien mieux ce qu’ils ſe doivent à eux-mêmes, & la loi leur montrera ce qu’ils doivent aux corps dont ils ſont membres. C’est ainſi que l’éducation formera des citoyens à l’état ; les dépoſitaires du pouvoir distingueront ceux que l’éducation leur aura formés en raiſon des avantages qu’ils procureront à la patrie ; ils puniront ceux qui lui ſeront nuiſibles ; ils feront voir aux citoyens que les promeſſes que l’éducation & la morale leur font ne ſont point vaines, & que dans un état bien conſtitué la vertu & les talens ſont le chemin du bien-être, & que l’inutilité ou le crime conduiſent à l’infortune & au mépris.

Un gouvernement juſte, éclairé, vertueux, vigilant, qui ſe proposera de bonne foi le bien public, n’a pas beſoin de fables ou de mensonges pour gouverner des sujets raisonnables, il rougiroit de se servir de prestiges pour tromper des citoyens instruits de leurs devoirs, soumis par intérêt à des loix équitables, capables de sentir le bien qu’on veut leur faire ; il sçait que l’estime publique a plus de force sur des hommes bien nés que la terreur des loix ; il sçait que l’habitude suffit pour inspirer de l’horreur, même pour les crimes cachés qui échappent aux yeux de la société ; il sçait que les châtimens visibles de ce monde en imposent bien plus à des hommes grossiers que ceux d’un avenir incertain & éloigné ; enfin il sçait que les biens sensibles que la puissance souveraine est en possession de distribuer, touchent bien plus l’imagination des mortels, que ces récompenses vagues qu’on leur promet dans l’avenir.