Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/329

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variés pour le tempérament, les forces, l’organisation, pour l’imagination, pour les idées, pour les opinions & les habitudes, & qu’une infinité de circonstances soit physiques soit morales, ont modifiés diversement, doivent se faire nécessairement des notions très différentes du bonheur. Celui d’un avare ne peut être le même que celui d’un prodigue ; celui d’un voluptueux que celui d’un homme flegmatique ; celui d’un intempérant que celui d’un homme raisonnable qui ménage sa santé. Le bonheur de chaque homme est en raison composée de son organisation naturelle & des circonstances, des habitudes, des idées vraies ou fausses qui l’ont modifiée ; cette organisation & ces circonstances n’étant jamais les mêmes, il s’ensuit que ce qui fait l’objet des vœux de l’un, doit être indifférent ou même déplaire à l’autre, & que, comme on l’a dit ci-devant, personne ne peut être le juge de ce qui peut contribuer à la félicité de son semblable.

L’on appelle intérêt l’objet auquel chaque homme d’après son tempérament & les idées qui lui sont propres, attache son bien-être ; d’où l’on voit que l’intérêt n’est jamais que ce que chacun de nous regarde comme nécessaire à sa félicité. Il faut encore en conclure que nul homme dans ce monde n’est totalement sans intérêt. Celui de l’avare est d’amasser des richesses ; celui du prodigue est de les dissiper ; l’intérêt de l’ambitieux est d’obtenir du pouvoir, des titres, des dignités ; celui du sage modeste est de jouir de la tranquillité ; l’intérêt du débauché est de se livrer sans choix à toutes sortes de plaisirs ; celui de l’homme prudent est de s’abstenir de ceux qui pourroient lui nuire. L’intérêt du méchant est de satisfaire ses