Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/330

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passions à tout prix ; celui de l’homme vertueux est de mériter par sa conduite l’amour & l’approbation des autres, & de ne rien faire qui puisse le dégrader à ses propres yeux.

Ainsi lorsque nous disons que l’intérêt est l’unique mobile des actions humaines, nous voulons indiquer par là que chaque homme travaille à sa manière à son propre bonheur, qu’il place dans quelqu’objet soit visible soit caché, soit réel soit imaginaire, & que tout le systême de sa conduite tend à l’obtenir. Cela posé nul homme ne peut être appellé désintéressé ; l’on ne donne ce nom qu’à celui dont nous ignorons les mobiles, ou dont nous approuvons l’intérêt. C’est ainsi que nous appellons généreux, fidèle & désintéressé celui qui est bien plus touché du plaisir de secourir son ami dans l’infortune, que de celui de conserver dans son coffre d’inutiles trésors. Nous appellons désintéressé tout homme à qui l’intérêt de sa gloire est plus précieux que celui de sa fortune. Enfin nous appellons désintéressé tout homme qui fait à l’objet auquel il attache son bonheur, des sacrifices que nous jugeons coûteux, parce que nous n’attachons point le même prix à cet objet.

Nous jugeons souvent très mal des intérêts des autres, soit parce que les mobiles qui les animent sont trop compliqués pour que nous puissions les connoître ; soit, parce que pour en juger comme eux, il faudroit avoir les mêmes yeux, les mêmes organes, les mêmes passions, les mêmes opinions : cependant, forcés de juger des actions des hommes d’après leurs effets sur nous, nous approuvons l’intérêt qui les anime toutes les fois qu’il en résulte quelque avantage pour l’espèce humai-