Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/344

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dépend de l’essence des choses. Le bonheur, pour être senti, ne peut-être continu ; le travail est nécessaire à l’homme pour mettre de l’intervalle entre ses plaisirs ; son corps a besoin d’exercice ; son cœur a besoin de desirs ; le malaise peut seul nous faire goûter le bien-être, c’est lui qui forme les ombres dans le tableau de la vie humaine. Par une loi irrévocable du destin les hommes sont forcés d’être mécontens de leur sort, de faire des efforts pour le changer, de s’envier réciproquement une félicité dont aucun d’eux ne jouit parfaitement. C’est ainsi que le pauvre envie l’opulence du riche, tandis que celui-ci est souvent bien moins heureux que lui ; c’est ainsi que le riche envie les avantages d’une pauvreté qu’il voit active, saine & souvent riante au sein même de la misère.

Si tous les hommes étoient parfaitement contens il n’y auroit plus d’activité dans le monde ; il faut désirer, agir, travailler pour être heureux, tel est l’ordre d’une nature dont la vie est dans l’action. Les sociétés humaines ne peuvent subsister que par un échange continuel des choses dans lesquelles les hommes font consister leur bonheur. Le pauvre est forcé de désirer & de travailler pour obtenir ce qu’il sçait nécessaire à la conservation de son être ; se nourrir, se vêtir, se loger, se propager sont les premiers besoins que la nature lui donne ; les a-t-il satisfaits ? Bientôt il est forcé de se créer des besoins tout nouveaux, ou plutôt son imagination ne sait que raffiner sur les premiers ; elle cherche à les diversifier, elle veut les rendre plus piquans ; quand une fois, parvenu à l’opulence, il a parcouru tout le cercle des besoins & de leurs combinaisons, il tombe