Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/364

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pour le plus grand nombre de ses enfans. Celui que la fortune a placé dans un état obscur ignore l’ambition qui dévore le courtisan, les inquiétudes de l’intriguant, les remors, les ennuis & les dégoûts de l’homme enrichi des dépouilles des nations dont il ne sçait profiter. Plus le corps travaille & plus l’imagination se repose ; c’est la diversité des objets qu’elle parcoure qui l’allume ; c’est la satiété de ces objets, qui lui cause du dégoût : l’imagination de l’indigent est circonscrite par la nécessité ; il reçoit peu d’idées, il connoît peu d’objets, par conséquent il a peu de desirs ; il se contente de peu, tandis que la nature entière suffit à peine pour contenter les vœux insatiables & les besoins imaginaires de l’homme plongé dans le luxe, qui a parcouru ou épuisé tous les objets nécessaires. Ceux que le préjugé nous fait regarder comme les plus malheureux des hommes jouissent souvent d’avantages plus réels & plus grands que ceux qui les oppriment, qui les méprisent & qui quelquefois sont réduits à les envier. Des desirs bornés sont un bien très réel : l’homme du peuple dans son humble fortune ne désire que du pain ; il l’obtient à la sueur de son front, il le mangeroit avec joye, si l’injustice ne le lui rendoit communément amer. Par le délire des gouvernemens ceux qui nâgent dans l’abondance, sans être plus heureux pour cela, disputent au cultivateur les fruits même que ses bras font sortir de la terre. Les princes sacrifient leur bonheur véritable & celui de leurs états à des passions, à des caprices qui découragent les peuples, qui plongent leurs provinces dans la misère, qui font des millions de malheureux sans aucun profit pour eux-mêmes. La tyrannie oblige ses sujets de maudire leur existence, d’abandonner le travail, & leur