Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/382

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inefficaces de la religion, qui ne pourra jamais nous faire aimer une vertu qu’elle rend hideuse & haïssable, & qui nous rend réellement malheureux en ce monde dans l’attente des chimeres qu’elle nous promet dans un autre. Enfin voyons si la raison, sans le secours d’une rivale qui la décrie, ne nous conduira pas plus sûrement qu’elle vers le but où tendent tous nos vœux.

Quels fruits en effet le genre-humain a-t-il jusqu’ici retiré de ces notions sublimes & surnaturelles dont la théologie depuis tant de siécles a repu les mortels ? Tous ces phantômes créés par l’ignorance & par l’imagination, toutes ces hypothèses aussi insensées que subtiles dont l’expérience fut bannie, tous ces mots vuides de sens dont les langues se sont remplies, toutes ces espérances fanatiques & ces terreurs paniques, dont on s’est servi pour agir sur les volontés des hommes, les ont-ils rendus meilleurs, plus éclairés sur leurs devoirs, plus fidèles à les remplir ? Tous ces systêmes merveilleux & les inventions sophistiquées dont on les appuie, ont-ils porté la lumière dans nos esprits, la raison dans notre conduite, la vertu dans notre cœur ? Hélas ! Toutes ces choses n’ont fait que plonger l’entendement humain dans des ténèbres dont il ne peut se tirer, semer dans nos ames des erreurs dangereuses, faire éclore en nous des passions funestes dans lesquelles nous trouverons la vraie source des maux dont notre espèce est affligée.

Cesse donc, ô homme ! De te laisser troubler par les phantômes que ton imagination ou que l’imposture ont créés. Renonce à des espérances vagues, dégage-toi de tes craintes accablantes ;