Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/57

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cauſes & les effets que nous cherchons avec le plus d’ardeur, ou qui nous intéreſſent le plus, nous avons recours à notre imagination, qui troublée par la crainte devient un guide ſuſpect, & nous crée des chimeres ou des cauſes fictives auxquelles elle fait honneur des phénomenes qui nous allarment. C’eſt à ces diſpoſitions de l’eſprit humain que ſont dues, comme nous verrons par la ſuite, toutes les erreurs religieuſes des hommes, qui, dans le déſeſpoir de pouvoir remonter aux cauſes naturelles des phénomènes inquiétans dont ils étoient les témoins & ſouvent les victimes, ont créé dans leur cerveau des cauſes imaginaires, devenues pour eux des ſources de folies.

Néanmoins dans la nature il ne peut y avoir que des cauſes & des effets naturels. Tous les mouvemens qui s’y excitent ſuivent des loix conſtantes & néceſſaires ; celles des opérations naturelles que nous ſommes à portée de juger ou de connoître ſuffisent pour nous faire découvrir celles qui ſe dérobent à notre vue ; nous pouvons au moins en juger par analogie ; & ſi nous étudions la nature avec attention, les façons d’agir qu’elle nous montre nous apprendront à n’être point ſi déconcertés de celles qu’elle refuſe de nous montrer. Les cauſes les plus éloignées de leurs effets agiſſent indubitablement par des cauſes intermédiaires, à l’aide deſquelles nous pouvons quelquefois remonter aux premieres ; ſi dans la chaîne de ces cauſes il ſe trouve quelques obſtacles qui s’oppoſent à nos recherches, nous devons tâcher de les vaincre ; & ſi nous ne pouvons y réuſſir, nous ne ſommes jamais en droit d’en conclure que la chaîne eſt briſée, ou que la cauſe qui agit est ſurnaturelle ; contentons-nous pour lors