Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/56

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pent à toutes ſes recherches & demeurent inexplicables pour lui.

Nous ne ſommes tentés de rêver & de méditer ſur les effets que nous voyons que lorſqu’ils ſont extraordinaires, inuſités, c’eſt-à-dire, lorſque nos yeux n’y ſont point accoutumés ou quand nous ignorons l’énergie de la cauſe que nous voyons agir. Il n’eſt point d’Européen qui n’ait vu quelques-uns des effets de la poudre à canon ; l’ouvrier qui travaille à la faire n’y soupçonne rien de merveilleux, parce qu’il manie tous les jours les matieres qui entrent dans la compoſition de cette poudre ; l’Amériquain regardoit autrefois ſa façon d’agir comme l’effet d’un pouvoir divin & sa force comme ſurnaturelle. Le Tonnerre, dont le vulgaire ignore la vraie cauſe, eſt regardé par lui comme l’inſtrument de la vengeance céleſte ; le phyſicien le regarde comme un effet naturel de la matiere électrique qui est cependant elle-même une cauſe qu’il eſt bien éloigné de connoître parfaitement.

Quoiqu’il en ſoit, dès que nous voyons une cauſe agir nous regardons ſes effets comme naturels ; dès que nous nous ſommes accoutumés à la voir ou familiarisés avec elle, nous croyons la connoître & ſes effets ne nous ſurprennent plus. Mais dès que nous appercevons un effet inusité ſans en découvrir la cauſe, notre esprit ſe met en travail, il s’inquiéte en raiſon de l’étendue de cet effet ; il s’agite ſurtout lorsqu’il y croit notre conſervation intéreſſée, & ſa perplexité augmente à meſure qu’il ſe perſuade qu’il eſt eſſentiel pour nous de connoître cette cauſe dont nous ſommes vivement affectés. Au défaut de nos ſens, qui ſouvent ne peuvent rien nous apprendre ſur les