Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE V

De l’ordre & du déſordre, de l’intelligence, du hazard.


La vue des mouvemens néceſſaires, périodiques & réglés qui ſe paſſent dans l’univers fit naître dans l’eſprit des hommes l’idée de l’ordre. Ce mot, dans ſa ſignification primitive, ne repréſente qu’une façon d’enviſager & d’appercevoir avec facilité l’enſemble & les différens rapports d’un tout, dans lequel nous trouvons par ſa façon d’être & d’agir une certaine convenance ou conformité avec la nôtre. L’homme, en étendant cette idée, a tranſporté dans l’univers les façons d’enviſager les choſes qui lui ſont particulieres ; il a ſuppoſé qu’il exiſtoit réellement dans la nature des rapports & des convenances tels que ceux qu’il avoit déſignés ſous le nom d’ordre, & conſéquemment il a donné le nom de déſordre à tous les rapports qui ne lui paroiſſoient pas conformes à ces premiers.

Il eſt aiſé de conclure de cette idée de l’ordre & du déſordre qu’ils n’exiſtent point réellement dans une nature où tout eſt néceſſaire, qui ſuit des loix conſtantes, & qui force tous les êtres à ſuivre dans chaque inſtant de leur durée les regles qui découlent de leur propre exiſtence. C’eſt donc dans notre eſprit ſeul qu’eſt le modele de ce que nous nommons ordre ou déſordre ; comme toutes les idées abſtraites & métaphyſiques, il ne ſup-