Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/102

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aucune idée, à moins que, comme le Sauvage ignorant, il ne rentre promptement dans la nature viſible pour lui donner des qualités poſſibles à concevoir.

Ainsi les notions de la divinité que nous voyons répandues par toute la terre ne prouvent point l’exiſtence de cet être ; elles ne ſont qu’une erreur générale, diverſement acquiſe & modifiée dans l’eſprit des nations, qui ont reçu de leurs ancêtres ignorans & tremblans les Dieux qu’ils adorent aujourd’hui. Ces Dieux ont été ſucceſſivement altérés, ornés, ſubtiliſés par les penſeurs, les légiſlateurs, les prêtres, les inſpirés qui les ont médités, qui ont preſcrit des cultes au vulgaire, qui ſe ſont ſervi de ſes préjugés pour le ſoumettre à leur empire ou pour tirer parti de ſes erreurs, de ſes craintes & de ſa crédulité ; ces diſpoſitions ſeront toujours une ſuite néceſſaire de ſon ignorance & du trouble de ſon cœur.

S’il eſt vrai, comme on l’aſſûre, qu’il n’y ait ſur la terre aucune nation ſi farouche & ſi ſauvage qui n’ait un culte religieux ou qui n’adore quelque Dieu, il n’en réſultera rien en faveur de la réalité de cet être. Le mot Dieu ne déſignera jamais que la cauſe inconnue des effets que les hommes ont admirés ou redoutés. Ainsſi cette notion ſi généralement répandue ne prouvera rien, ſinon que tous les hommes & toutes les générations ont ignoré les cauſes naturelles des effets qui ont excité leur ſurprise & leurs craintes. Si nous ne trouvons point aujourd’hui de peuple qui n’ait un Dieu, un culte, une religion, une théologie plus ou moins ſubtile, c’eſt qu’il n’eſt aucun peuple qui n’ait eſſuyé des malheurs dont ſes