Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/123

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effets qu’elle ſe propoſe ; la Divinité ſeroit forcée de ſouffrir le mal qu’elle ne pourroit point empêcher.

D’un autre côté, ſi l’homme eſt libre de pécher, Dieu n’eſt pas libre lui-même, ſa conduite eſt néceſſairement déterminée par les actions de l’homme. Un Monarque équitable n’eſt rien moins que libre quand il ſe croit obligé d’agir conformément aux lois qu’il a juré d’obſerver ou qu’il ne pourroit violer ſans bleſſer la juſtice. Un Monarque n’eſt point puiſſant quand le moindre de ſes ſujets eſt à portée de l’inſulter, de lui réſiſter en face ou de faire ſourdement échouer tous ſes projets. Cependant toutes les religions du monde nous montrent Dieu ſous les traits d’un ſouverain abſolu dont rien ne peut gêner les volontés ni borner le pouvoir ; tandis que d’un autre côté, elles aſſûrent que ſes ſujets ont à chaque inſtant le pouvoir & la liberté de lui déſobéir & d’anéantir ſes desſeins : d’où l’on voit évidemment que toutes les religions du monde détruiſent d’une main ce qu’elles établiſſent de l’autre ; & que d’après les idées qu’elles nous donnent, leur Dieu n’eſt ni libre, ni puiſſant, ni heureux.

XI. L’auteur de toutes choſes doit être infiniment ſage.

La ſageſſe & la folie ſont des qualités fondées sur nos propres jugemens ; or dans ce monde, que Dieu eſt ſuppoſé avoir créé, conſerver, mouvoir & pénétrer, il se paſſe mille choſes qui nous paroiſſent des folies, & même les créatures, pour qui nous imaginons que l’univers a été fait, ſont bien plus ſouvent inſenſées & déraiſonnables que