Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/137

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nement à la portée des mortels. D’ailleurs notre raiſon ne peut concevoir l’infini, ainſi elle ne peut nous convaincre de l’exiſtence d’un Dieu ; & ſi nos Prêtres ont une raiſon plus ſublime que la nôtre, ce ne ſera jamais que ſur la parole de nos Prêtres que nous croirons en Dieu ; nous n’en ſerons jamais nous-mêmes parfaitement convaincus ; la conviction intime ne peut être l’effet que de l’évidence & de la démonſtration.

Une choſe eſt démontrée impoſſible dès que non ſeulement on ne peut en avoir d’idées vraies, mais encore quand les idées quelconques qu’on s’en forme ſe contrediſent, ſe détruiſent, répugnent les unes aux autres. Nous n’avons point d’idées vraies d’un eſprit ; les idées que nous pouvons nous en former ſe contrediſent, lorſque nous diſons qu’un être privé d’organes & d’étendue peut ſentir, peut penſer, peut avoir des volontés ou des deſirs ; le Dieu Théologique ne peut point agir ; il répugne à ſon eſſence divine d’avoir des qualités humaines ; & ſi l’on ſuppoſe ces qualités infinies, elles n’en ſeront que plus intelligibles & plus difficiles ou impoſſibles à concilier.

Si Dieu eſt pour les êtres de l’eſpece humaine ce que les couleurs ſont pour des aveugles nés, ce Dieu n’exiſte point pour nous : ſi l’on dit qu’il réunit les qualités qu’on lui aſſigne, ce Dieu eſt impoſſible. Si nous ſommes des aveugles ne raiſonnons ni de Dieu ni de ſes couleurs ; ne lui donnons point d’attributs, ne nous occupons point de lui. Les Théologiens ſont des aveugles qui veulent expliquer à d’autres aveugles les nuances & les couleurs d’un portrait repréſentant un ori-