Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/150

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ne peut avoir de démonstration exacte de l’existence d’un autre être que de celui qui est nécessaire ; il ajoute que si l’on y prend garde de près on verra qu’il n’est pas même possible de connoître avec une entière certitude si Dieu est ou n’est pas véritablement créateur d’un monde matériel & sensible. D’après ces notions il est évident que, selon le p Malebranche, les hommes n’ont que la foi pour garant de l’existence de Dieu ; mais la foi suppose elle-même cette existence ; si l’on n’est point sûr que Dieu existe, comment pourra-t-on être persuadé qu’il faut croire ce qu’il dit ?

D’un autre côté ces notions de Malebranche renversent évidemment tous les dogmes théologiques. Comment concilier avec la liberté de l’homme l’idée d’un dieu qui est la cause motrice de la nature entière ; qui meut immédiatement la matière & les corps ; sans la volonté duquel rien ne se fait dans l’univers, qui prédétermine les créatures à tout ce qu’elles font ? Comment avec cela peut-on prétendre que les ames humaines aient la faculté de former des pensées & des volontés, de se mouvoir & de se modifier elles-mêmes ? Si l’on suppose, avec les théologiens, que la conservation des créatures est une création continuée, n’est-ce pas Dieu qui en les conservant les met en état de mal faire ? Il est évident que d’après le systême de Malebranche, Dieu sait tout, & que ses créatures ne sont que des instrumens passifs dans ses mains ; leurs péchés ainsi que leurs vertus sont à lui ; les hommes ne peuvent ni mériter ni démériter ; ce qui anéantit toute religion. C’est ainsi que la théologie est perpétuellement occupée à se détruire elle-même[1].

  1. Voyez l’impie convaincu, pag. 143 & 214.