Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vons avoir l’idée d’un ouvrage sans avoir celle d’un ouvrier distingué de son ouvrage. la nature n’est point un ouvrage ; elle a toujours existé par elle-même, c’est dans son sein que tout se fait ; elle est un attellier immense pourvu des matériaux & qui fait les instrumens dont elle se sert pour agir : tous ses ouvrages sont des effets de son énergie & des agens ou causes qu’elle fait, qu’elle renferme, qu’elle met en action. Des élémens éternels, incréés, indestructibles, toujours en mouvement, en se combinant diversement font éclore tous les êtres & les phénomènes que nous voyons, tous les effets bons ou mauvais que nous sentons, l’ordre ou le désordre, que nous ne distinguons jamais que par les différentes façons dont nous sommes affectés, en un mot toutes les merveilles sur lesquelles nous méditons & raisonnons. Ces élémens n’ont besoin pour cela que de leurs propriétés soit particulières soit réunies, & du mouvement qui leur est essentiel, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un ouvrier inconnu pour les arranger, les façonner, les combiner, les conserver & les dissoudre.

Mais en supposant pour un instant qu’il soit impossible de concevoir l’univers sans un ouvrier qui l’ait formé & qui veille à son ouvrage, où placerons-nous cet ouvrier ? Sera-t-il dedans ou hors de l’univers ? Est-il matière ou mouvement ? Ou bien n’est-il que l’espace, le néant ou le vuide ? Dans tous ces cas, ou il ne seroit rien, ou il seroit contenu dans la nature & soumis à ses loix. S’il est dans la nature je n’y peux voir que de la matière en mouvement, & je dois en conclure que l’agent qui la meut est corporel & matériel, & que par conséquent il est sujet à se dissoudre.