Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/165

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Si cet agent est hors de la nature, je n’ai plus aucune idée du lieu qu’il occupe, ni d’un être immatériel, ni de la façon dont un esprit sans étendue peut agir sur la matière dont il est séparé. Ces espaces ignorés que l’imagination a placé au-delà du monde visible n’existent point pour un être qui voit à peine à ses pieds ; la puissance idéale qui les habite ne peut se peindre à mon esprit que lorsque mon imagination combinera au hazard les couleurs fantastiques qu’elle est toujours forcée de prendre dans le monde où je suis ; dans ce cas je ne ferai que reproduire en idée ce que mes sens auront réellement apperçu ; & ce dieu que je m’efforce de distinguer de la nature ou de placer hors de son enceinte, y rentrera toujours nécessairement & malgré moi.[1]

L’on insistera, & l’on dira que si l’on portoit une statue ou une montre à un sauvage qui n’en auroit jamais vu, il ne pourroit s’empêcher de reconnoître que ces choses sont des ouvrages de quelque agent intelligent plus habile & plus industrieux que lui-même : l’on conclura de là que nous sommes pareillement forcés de reconnoître que la machine de l’univers, que l’homme, que les phénomènes de la nature sont des ouvrages d’un agent dont l’intelligence & le pouvoir surpassent de beaucoup les nôtres.

Je réponds en premier lieu que nous ne pouvons douter que la nature ne soit très-puissante

  1. Hobbes dit : « Le monde est corporel : il a les dimensions, la grandeur, savoir longueur, largeur et profondeur. Toute portion d’un corps est corps, et a ces mêmes dimensions ; conséquemment chaque partie de l’univers est corps, et ce qui n’est pas corps n’est point partie de l’univers mais comme l’univers est tout, ce qui n’en fait point partie n’est rien et ne peut être nulle part. » V. Hobbes, Leviathan, Ch. 46.