Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il croira qu’elle est un animal qui ne peut être l’ouvrage de l’homme. Des expériences multipliées confirment la façon de penser que je prête à ce Sauvage[1]. Ainsi, de même que beaucoup d’hommes qui se croient bien plus fins que lui, ce sauvage attribuera les effets étranges qu’il voit à un génie, à un esprit, à un dieu, c’est-à-dire à une force inconnue à qui il assignera un peu voir dont il croit que les êtres de son espèce sont absolument privés : par là il ne prouvera rien, sinon qu’il ne sçait pas ce que l’homme est capable de produire. C’est ainsi que les gens grossiers lévent les yeux au ciel toutes les fois qu’ils sont témoins de quelque phénomène inusité. C’est ainsi que le peuple appelle miraculeux, surnaturels, divins tous les effets étranges dont il ignore les causes naturelles ; & comme pour l’ordinaire il ne connoît les causes de rien, tout est miracle pour lui, ou du moins il s’imagine que Dieu est la cause de tous les biens & de tous les maux qu’il éprouve. Enfin c’est ainsi que les théologiens tranchent toutes les difficultés en attribuant à Dieu tout ce dont ils ignorent, ou ne veulent pas que l’on connoisse, les causes véritables.

Je réponds en troisieme lieu que le sauvage en ouvrant la montre, en l’examinant par parties, sentira peut-être que ces parties annoncent un ouvrage qui ne peut venir que du travail de l’homme. Il verra qu’il diffère des productions immédiates de la nature, à qui il n’a point vu produire

  1. Les Américains prirent les Espagnols pour des dieux, parce qu’ils avaient l’usage delà poudre à canon, parce qu’ils montaient à cheval, parce qu’ils avaient des vaisseaux qui voguaient tout seuls. Les habitans de l’île de Te’nian, n’ayant pas la connaissance du feu avant la venue des Européens, le prirent pour un animal qui dévorait le bois, la première fois qu’ils le virent.