Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/175

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geoient point que les causes naturelles eussent la force de produire.

Comme jamais on ne put ni appercevoir cet agent ni concevoir sa façon d’agir, on en fit un esprit, mot qui désigne que l’on ignore ce qu’il est ou qu’il agit comme le soufle dont on ne peut point suivre l’action. Ainsi en lui assignant la spiritualité, on ne fit que donner à Dieu une qualité occulte, que l’on jugea convenir à un être toujours caché & toujours agissant d’une manière imperceptible aux sens. Dans l’origine cependant il paroît que par le mot esprit on voulut désigner une matière plus déliée que celle qui frappoit grossiérement les organes, capable de pénétrer celle-ci, de lui communiquer l’action & la vie, de produire en elle les combinaisons & les modifications que nos yeux y découvrent. Tel fut, comme on a vu, ce Jupiter destiné dans l’origine à représenter dans la théologie des anciens la matière éthérée qui pénétre, agite, vivifie tous les corps dont la nature est l’assemblage.

Ce seroit, en effet, se tromper que de croire que l’idée de la spiritualité de Dieu, telle que nous la trouvons admise aujourd’hui, se soit présentée de bonne heure à l’esprit humain. Cette immatérialité, qui exclut toute analogie & toute ressemblance avec tout ce que nous sommes à portée de connoître, fut, comme on l’a déja fait observer, le fruit lent & tardif de l’imagination des hommes, qui, forcés de méditer, sans aucuns secours du côté de l’expérience, sur le moteur caché de la nature, sont peu-à-peu parvenus à en faire ce phantôme idéal, cet être si fugitif que l’on nous fait adorer sans pouvoir nous désigner sa natu-