Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/177

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a substitué à la matière, à la nature. Telle est l’idole à laquelle il n’est point permis de refuser son hommage.

Il y eut pourtant des hommes assez courageux pour résister au torrent de l’opinion & du délire. Ils crurent que l’objet que l’on annonçoit comme le plus important pour les mortels, comme le centre unique de leurs actions & de leurs pensées, demandoit à être attentivement examiné : ils comprirent que si l’expérience, le jugement & la raison pouvoient être de quelqu’utilité, ce devoit être, sans doute, pour considérer le monarque sublime qui gouvernoit la nature & qui régloit le destin de tous les êtres qu’elle renferme. Ils virent bien-tôt que l’on ne pouvoit s’en rapporter aux opinions universelles du vulgaire, qui n’examine rien ; & bien moins à ses guides qui, trompeurs ou trompés, défendent aux autres d’examiner, ou en sont incapables eux-mêmes. Ainsi, quelques penseurs osèrent secouer le joug qui leur avoit été imposé dans leur enfance ; dégoutés des notions obscures, contradictoires, dépourvues de sens qu’on leur avoit fait contracter l’habitude de joindre machinalement au nom vague d’un dieu impossible à définir ; rassûrés par la raison contre les terreurs dont on avoit environné cette redoutable chimere ; révoltés des peintures hideuses sous lesquelles on prétendoit la représenter, ils eurent l’intrépidité de déchirer le voile du prestige & de l’imposture ; ils envisagèrent d’un œil tranquille cette force prétendue, devenue l’objet continuel des espérances, des craintes, des rêveries, des querelles des aveugles mortels. Bien-tôt le spectre disparut pour eux ; le calme de leur esprit leur permit de ne voir par-tout qu’une nature