Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/186

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nuit, nous cessons de voir que nos façons de sentir sont dues à notre organisation, modifiée par des causes physiques, que faute de connoître, nous prenons pour des instrumens employés par un être à qui nous prêtons nos idées, nos vues, nos passions, nos façons de penser & d’agir.

Si l’on nous demandoit après cela quel est le but de la nature ? Nous dirons que c’est d’agir, d’exister, de conserver son ensemble. Si l’on nous demande pourquoi elle existe ? Nous dirons qu’elle existe nécessairement, & que toutes ses opérations, ses mouvemens, ses œuvres sont des suites nécessaires de son existence nécessaire. Il existe quelque chose de nécessaire ; cette chose est la nature ou l’univers, & cette nature agit nécessairement comme elle fait. Si l’on veut substituer le mot dieu à celui de nature, on pourra demander avec autant de raison pourquoi ce dieu existe, qu’on peut demander quel est le but de l’existence de la nature. Ainsi le mot dieu ne nous rendra pas plus instruits du but de son existence. Au moins en parlant de la nature ou de l’univers matériel, aurons-nous des idées fixes de la cause dont nous parlons, au lieu qu’en parlant du dieu théologique, nous ne sçaurons jamais ni ce qu’il peut être, ni s’il existe, ni les qualités que nous pourrons lui assigner. Si nous lui donnons des attributs, ce sera toujours nous-mêmes que nous diviniserons, & ce sera pour nous seuls que l’univers sera formé : idées que nous avons suffisamment détruites ; pour s’en détromper, il suffit d’ouvrir les yeux & de voir que nous subissons à notre manière un sort que nous partageons avec tous les êtres dont la nature est l’assemblage ; comme nous, ils sont soumis à la nécessité, qui n’est que la somme des loix que la nature est obligée de suivre.