Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/187

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Tout nous prouve donc que la nature, ou que la matière existe nécessairement & ne peut s’écarter des loix que son existence lui impose. Si elle ne peut s’anéantir, elle n’a pu commencer d’être. Les Théologiens conviennent eux-mêmes qu’il faudroit un acte de la toute-puissance divine, ou ce qu’ils appellent un miracle, pour anéantir un être : mais un être nécessaire ne peut faire un miracle ; il ne peut déroger aux loix nécessaires de son existence ; il faut donc en conclure que si Dieu est l’être nécessaire, tout ce qu’il fait est une suite de la nécessité de son existence, & qu’il ne peut jamais déroger à ses loix. D’un autre côté, on nous dit que la création est un miracle, mais cette création seroit impossible à un être nécessaire qui ne peut agir librement dans aucune de ses actions. D’ailleurs un miracle n’est pour nous qu’un effet rare dont nous ignorons la cause naturelle ; ainsi en nous disant que Dieu fait un miracle, on ne nous apprend rien, sinon qu’une cause inconnue a produit d’une manière inconnue un effet que nous n’attendions pas ou qui nous paroît étrange. Cela posé, l’intervention d’un dieu, loin de remédier à l’ignorance où nous sommes des forces & des effets de la nature, ne sert qu’à l’augmenter. La création de la matière & la cause à qui l’on en fait l’honneur, sont pour nous des choses aussi incompréhensibles ou aussi impossibles que son anéantissement.

Concluons donc que le mot Dieu, ainsi que le mot Créer, ne présentant à l’esprit aucune idée véritable, devroient être bannis de la langue de tous ceux qui veulent parler pour s’entendre. Ce sont des mots abstraits, inventés par l’ignorance ;