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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/191

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à ce qu’ils peuvent entendre ; ils méprisent les objets qui leur sont familiers & n’estiment que ceux qu’ils ne sont point à portée d’apprécier : de ce qu’ils n’en ont que des idées vagues ils en concluent qu’ils renferment quelque chose d’important, de surnaturel, de divin. En un mot il leur faut du mystère pour remuer leur imagination, pour exercer leur esprit, pour repaître leur curiosité, qui n’est jamais plus en travail que quand elle s’occupe d’énigmes impossibles à deviner, & qu’elle juge dès lors très dignes de ses recherches[1]. Voilà, sans doute, pourquoi l’on a regardé la matière que l’on avoit sous les yeux, que l’on voyoit agir & changer de formes, comme une chose méprisable, comme un être contingent, qui n’existoit point nécessairement & par lui-même. Voilà pourquoi l’on imagina un esprit que l’on ne conçut jamais, & que, par cette raison même, l’on décida supérieur à la matière, existant nécessairement par lui-même, antérieur à la nature, son créateur, son moteur, son conservateur & son maître. L’esprit humain trouva de la pâture dans cet être mystique ; il s’en occupa sans cesse ; l’i-

  1. Un grand nombre de nations ont adoré le soleil ; les effets sensibles de cet astre, qui semble donner la vie à toute la nature, devaient naturellement porter les hommes à lui rendre un culte. Cependant des peuples entiers ont quitté ce Dieu si visible, pour adopter un Dieu abstrait et métaphysique. Si l’on demande la raison de ce phénomène, je dirai que le Dieu le plus caché, le plus mystérieux, le plus inconnu doit toujours, par là même, plaire davantage à l’imagination du vulgaire, que le Dieu qu’il voit tous les jours. Le ton mystérieux et inintelligible est essentiellement nécessaire aux prêtres de toute religion : une religion claire, intelligible, sans mystères paraîtrait peu divine au commun des hommes, et serait peu utile au sacerdoce, dont l’intérêt est que le peuple ne comprenne rien à ce qu’il croit le plus important pour lui. Voilà, sans doute, le secret du clergé. Il lui fallut un Dieu inintelligible, qu’il fit agir et parler d’une façon inintelligible, se réservant le droit d’expliquer aux mortels ses ordres à sa manière.