Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/192

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magination l’embellit à sa manière ; l’ignorance se reput des fables qu’on en raconta ; l’habitude identifia ce phantôme avec l’esprit de l’homme, il lui devint nécessaire ; l’homme crut tomber dans le vuide quand on voulut l’en détacher pour ramener ses regards sur une nature que de longue main il avoit appris à dédaigner, ou à ne considérer que comme un amas impuissant de matières inertes, mortes, sans énergie, ou comme un assemblage vil de combinaisons & de formes sujettes à périr.

En distinguant la nature de son moteur les hommes sont tombés dans la même absurdité que lorsqu’ils ont distingué leur ame de leur corps, la vie de l’être vivant, la faculté de penser de l’être pensant. Trompés sur leur propre nature & sur l’énergie de leurs organes, ils se sont pareillement trompés sur l’organisation de l’univers ; ils ont distingué la nature d’elle-même ; la vie de la nature, de la nature vivante ; l’action de cette nature, de la nature agissante. Ce fut cette ame du monde, cette énergie de la nature, ce principe actif que les hommes personnifièrent, séparèrent par abstraction, ornèrent tantôt d’attributs imaginaires, tantôt de qualités empruntées de leur essence propre. Tels sont les matériaux aëriens dont ils se sont servis pour composer leur dieu ; leur ame propre en fut le modèle ; trompés sur la nature de celle-ci, ils n’eurent jamais des idées vraies de la divinité, qui n’en fut qu’une copie exagerée ou défigurée, au point de méconnoître le prototype sur lequel on l’avoit originairement formée.

Si pour avoir voulu distinguer l’homme de lui-même l’on ne put jamais s’en former des idées véritables ; pour avoir distingué la nature d’elle-mê-